Une œuvre de l'esprit se définit comme « une création intellectuelle originale réalisée sous une forme ». De cette définition, se dégagent trois critères :

  • Une création intellectuelle : peu importe le type de création. L'article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) dresse une liste non exhaustive d'œuvres de l'esprit.
  • Une forme : l'œuvre de l'esprit n'est protégée que si elle est matérialisée. Une idée n'est donc pas protégée.
  • L'originalité : l'œuvre est marquée par la personnalité de son auteur. Une autre personne n'aurait donc pas créé la même œuvre.

L'œuvre est protégée, quels que soient son mérite et sa destination (son utilisation). La protection de l'œuvre est effective dès sa création, sans nécessité d'une formalité de dépôt.

Que l'œuvre soit créée par un auteur unique, de manière collaborative (plusieurs personnes physiques ont concouru à la réalisation de l'œuvre et chacune des contributions est clairement identifiable) ou collective (l'œuvre est réalisée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et sous son nom), les droits patrimoniaux perdurent 70 ans à compter du 1er janvier de l'année suivant le décès du dernier des auteurs survivants.

Pour les œuvres à auteur unique et pour les œuvres de collaboration, si la date de décès du ou des auteurs n'est pas connue, la date de première publication ou de première divulgation au public de l'œuvre est un élément utile si l'œuvre est encore protégée. La date de publication ou de divulgation ne constitue qu'une présomption à manier avec prudence. Elle n'assure pas de façon certaine que l'œuvre est tombée dans le domaine public.

Droit d'auteur et droits voisins

Dès sa création, l'auteur jouit de deux types de droits sur son œuvre : le droit moral et les droits patrimoniaux. Les dispositions relatives aux droits des auteurs sont fixées par le livre premier de la première partie du CPI.

La loi du 3 juillet 1985 a créé la catégorie des droits voisins du droit d'auteur. Les dispositions relatives aux droits voisins sont fixées par le livre deuxième de la première partie du CPI.

Au titre de l'article L211-1 du CPI, les droits voisins ne sauraient porter atteinte aux droits des auteurs.

Droits patrimoniaux

En vertu de ses droits patrimoniaux, l'auteur dispose du droit exclusif d'interdire et d'autoriser l'exploitation de son œuvre.

Les droits patrimoniaux ont une durée déterminée. À l'expiration du monopole, 70 ans à compter du 1er janvier de l'année suivant le décès de l'auteur, l'œuvre tombe dans le domaine public, sauf dérogation des prorogations de guerre qui sont encore applicables dans certains cas.

  • Droit de reproduction (art. L122-3 du CPI) : la reproduction consiste « dans la fixation matérielle de l'œuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte ». La fixation matérielle peut s'effectuer par tous procédés : imprimerie, dessin, gravure, photographie, moulage, tout procédé des arts plastiques et graphiques, enregistrement mécanique, cinématographique, magnétique et numérique.
  • Droit de représentation (art. L122-2 du CPI) : la représentation consiste en « la communication de l'œuvre au public par un procédé quelconque ». Le concept de représentation visait à l'origine les communications destinées à un public présent au même lieu et en même temps, dans une salle de théâtre ou de concert. Il a ultérieurement été étendu aux transmissions à distance, avec ou sans fil, en considérant qu'il importait peu que le public ne fut pas réuni dans une même salle. Dans la même logique, il est désormais admis qu'il est également indifférent que l'œuvre soit transmise à la même heure à un public passif, ou que chacun puisse y accéder au moment de son choix et que l'usager puisse choisir le moment de la communication comme c'est le cas pour le réseau internet. Le fait d'exposer une œuvre relève du droit de représentation.
  • Droit d'adaptation : ce droit a été créé par la doctrine et ne relève pas du CPI. Par ce droit, l'auteur autorise ou non à procéder à une modification de l'œuvre en vue de l'adapter. Il s'agit par exemple d'autoriser l'adaptation cinématographique d'un roman ou sa traduction dans une langue étrangère.
  • Droit de suite (art. L122-8 du CPI) : ce droit bénéficie exclusivement aux auteurs d'œuvres graphiques ou plastiques. Il permet à l'auteur ou à ses ayants droit de récupérer une partie du produit d'une vente de l'œuvre dans la cadre d'une vente aux enchères publiques ou d'une vente organisée par un commerçant.

Droit moral

Outre les droits patrimoniaux, l'auteur dispose également d'un droit moral sur son œuvre. Il se transmet à ses ayants droit.

Le droit moral est perpétuel (à la différence des droits patrimoniaux, le droit moral ne s'éteint jamais), inaliénable (l'auteur ne peut céder son droit moral par contrat ni renoncer par avance à le faire valoir) et imprescriptible (l'auteur n'est limité par aucun délai pour exercer la défense de ce droit en justice).

Ce droit est composé de quatre prérogatives essentielles :

  • Droit de divulgation (art. L121-2 du CPI) : seul l'auteur peut décider de divulguer ou non son œuvre.
  • Droit de retrait ou de repentir (art. L121-4 du CPI) : l'auteur peut demander le retrait définitif ou temporaire (retrait) de son œuvre. Il peut également y apporter des modifications (repentir). L'auteur doit indemniser l'acquéreur de l'œuvre et le cessionnaire des droits patrimoniaux, tant des pertes subies que du manque à gagner du fait du retrait. Cette prérogative du droit moral ne perdure pas après la mort de l'auteur.
  • Droit à la paternité (art. L121-1 du CPI) : l'auteur jouit du droit au respect de son nom et de sa qualité. À ce titre, l'auteur est en droit d'exiger que son nom soit apposé sur l'œuvre. L'auteur peut, sur ce même fondement, choisir, au contraire, de diffuser son œuvre de manière anonyme ou sous un pseudonyme. Le nom de l'auteur doit toujours être mentionné lorsque l'œuvre est communiquée et sur tous les supports de communication de celle-ci : ouvrages imprimés, affiches, cartes postales, site Internet, etc. Il faut être particulièrement prudent pour les documents faisant intervenir plusieurs auteurs (photographies d'œuvres d'art, de spectacles).
  • Droit au respect (art. L121-1 du CPI) : l'auteur peut s'opposer à toute modification, suppression, ajout ou altération quelconques de son œuvre. À ce titre, une reproduction ne doit opérer aucun changement dans la structure, l'apparence, le contenu de l'œuvre.

Le droit moral n'est pas reconnu à tous les titulaires de droits voisins. Les artistes-interprètes sont les seuls à disposer du droit moral. En matière de droits voisins, le droit moral est limité par rapport au droit moral de l'auteur. Ses prérogatives portent sur le droit à la paternité et le droit au respect de l'interprétation.

Exceptions au droit d'auteur

Certaines exceptions permettent de ne pas demander d'autorisation à l'auteur ou à ses ayants droit. Ces exceptions sont soumises au passage du test en trois étapes pour être appliquées (art. L122-5 du CPI) : les exceptions ne sont applicables que dans certains cas spéciaux qui ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droit.

  • Exception accordée aux bibliothèques (art. L122-5 8° et art. L211-3 7° du CPI) : l'auteur ne peut pas interdire la reproduction d'une œuvre, effectuée à des fins de conservation ou destinée à préserver les conditions de sa consultation sur place par des bibliothèques accessibles au public, par des musées ou par des services d'archives, sous réserve que ceux-ci ne recherchent aucun avantage économique ou commercial.
  • Exception accordée aux organismes en charge du dépôt légal (art. L132-4, L132-5 et L132-6 du Code du Patrimoine) : les organismes en charge du dépôt légal sont autorisés à effectuer la reproduction sur tout support et par tout procédé d'une œuvre, lorsque cette reproduction est nécessaire à la collecte, à la conservation et à la consultation sur place. Ils sont également autorisés à donner accès à l'œuvre sur place à des chercheurs, dûment accrédités, sur des postes individuels de consultation dont l'usage leur est exclusivement réservé.
  • Exception en faveur des personnes handicapées (art. L122-5 7° du CPI) : cette exception concerne les établissements ouverts au public tels que les bibliothèques, qui sont appelés à mettre des œuvres protégées à la disposition de personnes handicapées.

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